
Déforestation: le combat des Guarani de São Paulo
Les Guarani du Pic de Jaraguá, situé à l’ouest de São Paulo, se sont réveillés au son des tronçonneuses. La société immobilière Tenda SA a commencé à abattre des arbres de la forêt Atlantique, aux abords de plusieurs villages amérindiens. L’entreprise prévoit de construire cinq tours résidentielles populaires et a obtenu l’autorisation d’anéantir une forêt secondaire constituée d’une végétation native et d’eucalyptus. Depuis le début du mois de février 2020, les xondaros – les guerriers guaranis – occupent la zone dévastée dans l’objectif de protéger cet espace contre un urbanisme pantagruélique.

Les Guarani du Pic de Jaraguá
Soutenu par l’UNESCO et les autorités publiques, le parc de Jaraguá – le seigneur des vallées en guarani – a été créé dans les années 60 afin de préserver les domaines boisés autour de la cité pauliste. Quant au territoire Amérindien, il a été délimité en 1987; il s’agit du plus petit territoire démarqué du Brésil (1,7 hectare), où vivent environ 700 Indiens dans des conditions plus ou moins précaires, en raison de la destruction de leur habitat et, par conséquent, de leurs moyens de subsistance.
Depuis 2010, la FUNAI – la Fondation des Indiens – prévoit d’augmenter le territoire Guarani de 500 hectares, mais en 2016, sous la présidence de Michel Temer, qui a pris le pouvoir à la suite de la destitution de Dilma Rousseff, le Ministère de la Justice révoque la proposition. Fin de partie. (La FUNAI est sous la tutelle du Ministère de la Justice, même si l’actuel gouvernement tente désespérément de livrer l’institution au Ministère de l’Agriculture, en vain pour le moment)
Chez les Guarani, couper un arbre, c’est comme saigner un parent proche. À la suite du massacre à la tronçonneuse, des cérémonies funèbres ont été réalisées au nom de Nhanderú – le Dieu créateur chez les Guarani – pour les malveillances et les agressions subies par les esprits qui protègent le peuple de la forêt.

La société Tenda SA
Selon les avocats de la société Tenda SA, il ne s’agit que d’eucalyptus isolés et le terrain en question, dont elle est la propriétaire, est localisé dans une ZEIS – une zone spéciale d’intérêt social – destinée à la construction d’habitation pour les familles à bas revenu. En outre, la municipalité prévoit «la suppression de 528 arbres et une compensation environnementale avec la plantation de 549 entités végétales».

Selon un article de «De olho nos ruralistas», un journal d’investigation brésilien visant les fourberies du pouvoir économique du pays, Jorge Paulo Lemann – 42e plus grande fortune au monde – déteint 10% de l’entreprise Tenda SA, à travers le fonds d’investissement Constellation Investimento e Participações. Il est également l’associer de la tentaculaire AB Inbev, qui comprend différentes sociétés rachetées au cours de ces dernières années, comme Budweiser, Heinzt, Stella Artois, Burger King, Lojas Amerinacas. Dans un livre publié en 2013, il écrit: «Faire de grands rêves donne le même travail que de petits rêves» – heureusement que tout le monde n’a pas les mêmes «grands» rêves –. Les aficionados de tennis connaissent le personnage, il a été joueur de tennis professionnel et quintuple champion du Brésil. Parmi les autres actionnaires notoires de Tenda SA, on retrouve Itaú, la plus grosse banque du pays, dont la participation s’élève à 4,74 %.
«Avec une végétation détruite, les animaux sylvestres ont perdu leur maison. Ils ont été assassinés».
Chef Indien David Karai Popygua

David contre Goliath
D’après la CIMI, le Conseil Indien Missionnaire, les autorités brésiliennes enfreignent la convention 69 de l’Organisation Internationale du Travail, qui indique qu’aucun chantier situé à moins de 10 km des territoires Indiens ne peut se réaliser sans la consultation préalable des communautés autochtones. Afin de résoudre le conflit qui oppose les Guaranis à l’entreprise prédatrice, une conciliation devant les tribunaux s’est tenue début mars 2020. Malgré la mobilisation et les prières, la Justice pauliste a déterminé la réintégration du terrain, avec l’intervention de la Police Militaire. Les Guaranis les attendent de pied ferme et proposent la création d’un mémoriel Guarani et d’un parc écologique qu’ils ont déjà commencé pendant l’occupation. Pour leurs défenses encore, ils ajoutent que face aux problèmes d’inondation récurrents de la ville, le terrain permet de résorber les débordements d’eau lors de pluies torrentielles.

Pendant que les hommes arborant leur peinture de guerrier évaluent les dégâts, les enfants se faufilent entre les corps d’arbres gisant à terre, les bras écartelés comme des branches, les doigts flétris comme des feuilles sèches.
Dans les décombres, les secouristes trouvent un oiseau blessé et un oisillon mort, pour qui ils édifient une sépulture de tiges et de mousses végétales. Aussi, pour le délice des papilles, des essaims d’abeilles sont tombés à cause de l’abattage d’un grand cèdre. Toutefois, non seulement les abeilles sont sacrés pour les Guarani, mais l’espèce Uruçu-Amarela – Melipona rufiventris – est aussi en danger d’extinction. Après 500 ans de génocide et de lutte, Nhanderú trouvera-t-il encore les forces et la magie de protéger le peuple de la forêt?




















Je découvre ce reportage poignant et si nécessaire que vous avez réalisé aux portes de São Paulo. Merci Vincent!
Pourrais-je faire quelque chose pour aider ces guaranis? Malheureusement j’ai mon permis de conduire suspendu, mais je suis prêt à aider.
Appelez-moi et on pourra échanger sur ce sujet
Bien à vous
Edmond Aparicio (11) 989 62 31 30