
Guarani: notre terre, notre vie
En défense de l’esprit qui protège les peuples de la forêt, les Guarani Mbay s’opposent à la construction de cinq immeubles aux portes de São Paulo.
Depuis un mois, les Guarani occupent un terrain de l’entreprise de construction Tenda SA, après l’abattage d’une centaine d’arbres, dont plusieurs cèdres qui sont sacrés pour les Amérindiens. Cependant, à la suite d’une décision de justice, une réintégration de la propriété a été autorisée.

Négociation et résistance
Ce matin-là, toutes les issues autour du site de la société sont bloquées par les forces de l’ordre. Un lourd dispositif de police anti-émeute – tropa de choque, en portugais – a été mobilisé. Face à la horde de casques et fusils d’assaut, les Guarani se sont réunis; pendant que femmes et enfants chantent des prières, les hommes, arc et flèches au poing, arborent leur peinture de guerrier. Positionné depuis 5h du matin et malgré les négociations entre le colonel Bento, de la police militaire, et les différentes entités amérindiennes, la réintégration est prévue à 15h. Sous une chaleur de plomb, plusieurs lignes de la police quittent le champ de bataille pour se réfugier à l’ombre, baissant ainsi la pression sur le peuple de la forêt.
Finalement, les Guarani décident de céder à l’appel des forces de l’ordre, mais la résistance continue: «Le mandat de réintégration du terrain ne comprend pas la partie extérieure. J’ai dit au colonel qu’on allait sortir, mais on va désormais occuper l’entrée», explique Thiago Jekupe, l’un des chefs des Amérindiens encerclés, au journaliste de l’agence Publica.

Ce qu’ils disent
Les Guarani
Ils affirment qu’ils n’ont pas été consultés par la société Tenda SA et que l’étude d’impact environnemental n’est pas en bonne et due forme, enfreignant les règles en vigueur. Ils souhaitent la création d’un parc municipal et d’un mémorial destiné à la culture guarani. Ils proposent enfin que la mairie de São Paulo trouve une zone déjà dégradée pour construire les immeubles, sans la nécessité de couper la végétation native.
La société Tenda SA
Elle explique qu’elle respecte les interrogations de la communauté et qu’elle prévoit la préservation de 50% de l’espace. Elle affirme également qu’elle a eu l’autorisation d’abattre 528 arbres, à la condition d’en replanter 549 et d’en donner 1099 à la municipalité.
La loi
L’État brésilien est signataire de la convention 69 de l’Organisation Internationale du Travail qui garantit la consultation préalable des Indiens pour tous les chantiers qui peuvent impacter la communauté. De plus, l’arrêté ministériel n°60 de 2015 stipule qu’aucune construction ne peut être réalisée dans un rayon de 8 kilomètres, sans une étude d’impact environnemental et socioculturel.
La mairie et la justice
Les services municipaux chargés des questions environnementales (gestion Doria/Covas – PSDB) montrent de nombreuses zones d’ombres dans le processus administratif. En outre, le Ministère Public Fédéral (MPF) a demandé que le cas soit transféré au niveau fédéral, responsable pour juger les droits amérindiens. La juge fédérale Tatiana Pereira a accepté la demande et a suspendu le chantier jusqu’au 5 mai 2020, date à laquelle la société devra remettre tous les documents à la Justice. Toutefois, la réintégration du terrain reste effective. La décision de la juge est motivée par le fait que les négociations entre le Ministère Public Fédéral et les services municipaux montrent que l’entreprise Tenda SA n’a jamais eu l’autorisation de couper des arbres.

Point de vue
Cette situation ubuesque met en exergue la problématique d’une urbanisation cannibale dont les conséquences sur l’environnement et les cultures locales sont désastreuses. Devant le modèle économique actuel, les alternatives sont nombreuses, mais les volontés politiques inexistantes. Et, en observant la zone géographique en question, un élément frappe les yeux et interroge. Pourquoi construire des immeubles à proximité de villages amérindiens, alors qu’à quelques kilomètres de là, le quartier est déjà très urbanisé et qu’aucune tour ne dépasse la cime des arbres? Cela ressemble fortement aux stratégies mises en place par des gouvernements autoritaires afin de faire disparaître une culture donnée. Selon les théories sociologiques, cette action de l’état s’appelle une acculturation forcée et organisée, imposée par un groupe en déplaçant une population donnée.















